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Le vent, froid et mordant, passait à travers les fines mailles de son pull, la faisait frissonner. Dieu qu’elle détestait l’Allemagne. Tout était froid, gris, terne. Comment diable avait-elle pu accepter de partir faire un an d’études dans ce pays, quittant pour douze longs mois son Andalousie natale ? Cela faisait pourtant quelques semaines que la rentrée était passée. Mais non, rien à faire, Maria ne s’y habituait pas.
Congelée de froid, elle décida d’arrêter sa route dans un bar, afin de se réchauffer autour d’un bon chocolat chaud avant de reprendre sa route, finir ses courses et rentrer chez elle. C’est ainsi, tremblante de froid et les mains autour d’une tasse brûlante, qu’elle le vit pour la première fois. Il était installé à l’une des tables du coin, un verre de bière devant lui, seul. Lorsqu’il remarqua son regard, il lui sourit, levant un peu son verre pour trinquer. Hypnotisée par cet envoutant regard bleu, elle ne trouva qu’à sourire en retour, n’arrivant à détacher son regard de ce bel apollon. Au bout de longues minutes, il se leva enfin, l’abordant…
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- Oh maman, c’est teeeellement romantique !La femme sourit à l’enfant, remettant une longue boucle brune en place derrière son oreille. La fillette s’enfonça un peu plus dans ses couvertures, qui lui arrivaient jusqu’au nez. Elle avait hérité de sa mère, pour cela, aussi frileuse qu’elle. Sa mère lui sourit, continuant son récit. Oui, la rencontre avec Peter, qui était maintenant son mari depuis dix ans, avait été follement romantique. Peut-être était-ce pour cela qu’elle l’aimait autant ? Sans nul doute.
Johanna se laissa bercer par la douce voix de sa mère, plongeant dans les bras de Morphée. Elle aussi, du haut de ses huit ans, rêvait du prince charmant qui arriverait sur son cheval blanc. Elle voulait une histoire d’amour sans fin, dans toute sa naïveté enfantine. Une histoire d’amour comme celle de ses parents.
- Johanna… Adieu.Elle ne comprenait pas. C’était tout bonnement impossible. Elle mordit sa lèvre supérieure, comme pour se réveiller. Mais rien ne se produisit. Elle ne rêvait pas, c’était bien la réalité. Sa mère venait bien de claquer la porte, emportant avec elle ses valises. Rien d’autre.
Au bout d’une heure, immobile devant la porte d’entrée, son père vint la chercher pour l’amener au salon. C’était la première fois qu’elle le voyait pleurer, aussi faible, fragile. Les larmes sur ses joues firent comprendre à Johanna que jamais sa mère ne passerait la porte d’entrée à nouveau. Jamais elle ne reviendrait. Elle les avait abandonnés. Les larmes ne commencèrent à couler qu’à ce moment là.
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Il était grand, athlétique, beau. Le stéréotype même du parfait petit allemand selon Hitler, blond aux yeux bleus, les cheveux presque blancs. Oui, parfait était le mot. Elle s’avança vers lui, tout sourire. Un sourire ravageur, aussi blanc que la neige, contrastant avec son teint hâlé. Lorsqu’ils la virent arriver, les autres garçons donnèrent du coude à celui qui l’intéressait, pour attirer son attention sur la tigresse espagnole. S’il fut d’abord surpris, il ne le montra que peu, affichant bien vite un sourire également. Il avança même d’un pas vers elle, laissant un petit mètre de distance entre leurs corps.
- Salut tigresse.- Salut beau gosse. Ce soir, chez moi, vingt et une heure.-Sans faute, chérie.Son sourire se fit plus bestial alors qu’elle tournait les talons, s’éclipsant aussi vite qu’elle était arrivée. Les autres garçons se mirent à siffler et à acclamer leur ami. Johanna Frey, rien que cela ! La soirée risquait d’être épique pour lui.
Laissant sa tête retomber gracieusement sur l’oreiller, elle remonta les couvertures jusqu’au menton, pour ne pas attraper froid. Le joli blond se colla à elle, l’entourant de ses bras massifs. Elle lui sourit doucement, l’embrassant du bout des lèvres. Il était une bonne proie, celui-ci. Il fallait qu’elle le garde, pour l’utiliser une fois de plus, quand elle s’ennuierait. Bien sur, il se doutait de ce qui allait arriver. Les nuits avec Johanna n’avait jamais de lendemain, sauf à être un bon coup. Dans ce cas, elle venait chasser à nouveau. Sinon, elle vous ignorait totalement et sortait les griffes si vous osiez l’abordée dans les couloirs du lycée. Les règles étaient connues et respectées de tous les garçons. Elle était la reine.
Enfin, presque.
- JOHANNA ELENA FREY, QU’EST-CE QUE CE GARCON FAIT DANS TON LIT ?Elle se leva d’un bond, n’ayant que faire d’être nue face à son père. Il ne montra aucune surprise face à ce geste, contrairement au blond qui se cachait du mieux qu’il le pouvait avec les draps. Tant le regard de la fille que du père étaient noirs, emplis de colères. Ils se défièrent du regard pendant une longue minute, avant qu’elle ne réplique.
- C’est quoi le problème ? Ca t’énerve que je prenne mon pied et pas toi ?- Que tu prennes ton pied alors que je suis à la maison, oui !- Mais c’est n’importe quoi ! T’es juste frustré de pas pouvoir le faire aussi ! T’avais qu’à pas laisser partir maman, t’aurais pu continuer à tirer ton coup !- Laisse ta mère en dehors de ça !- Ah oui, j’oubliais ! Elle est partie parce que tu te faisais ta secrétaire !La claque partit d’un coup, sans qu’elle n’ait le temps de la prévoir, de l’esquiver. C’était la première fois en seize ans qu’il levait la main sur elle. La fois de trop, sans doute.
Avec hargne, elle empoigna ses vêtements, les enfila. De même pour son sac de voyage, qu’elle attrapa au dessus de son armoire. Surpris de sa réaction, aucun des deux hommes présents dans la pièce n’osaient faire le moindre mouvement. Peter suivait sa fille du regard alors qu’elle faisait des allées et venues entre son armoire et son lit, emplissant ses bras puis son sac de vêtements pris au hasard. Le bruit de la fermeture éclair semblait raisonner dans toute la chambre, tant celle-ci était silencieuse.
Elle s tourna alors vers le garçon, encore dans son lit, ignorant royalement son père.
- On va chez toi. Tout de suite.♦
Elle ne savait comment mais Alexander – elle avait fini par découvrir son nom – avait réussi à la cacher chez lui jusqu’à son anniversaire, sans que ses parents n’en sachent jamais rien. Son père était toujours absent et sa mère bien trop perdue pour se rendre compte qu’une fille venait chiper dans son frigo chaque nuit. Cela rassurait un peu Johanna : elle n’était pas la seule à avoir une vie familiale catastrophique.
A ses dix-sept ans, comme toutes les jeunes filles de son âge, elle se retrouva dans un cabaret, apprenant ce que l’on disait être « les bonnes manières ». Pour elle, habituée à charmer les hommes pour les mettre dans son lit depuis ses quatorze ans, l’exercice ne semblait pas des plus difficiles, bien au contraire.
Puis il y eut William. Lui aussi n’était pas totalement allemand, ayant hérité du sang anglais de son père. Il était de la caserne, tout comme elle était du cabaret. Une proie facile, donc, tant ces garçons pouvaient en avoir marre d’être enfermés les uns sur les autres. Elle l’avait abordé un soir, au bar le plus populaire de la ville. Et cela avait fini comme à chaque fois, bien entendu.
Elle ne se passe pas une semaine sans qu’ils ne se voient, ne finissent la nuit ensemble. Pourtant, elle ne connait de lui que son prénom. Ce qui est déjà beaucoup, elle doit l’admettre. Mais pourquoi n’arrive-t-elle pas à agir comme avec les autres hommes ? A l’oublier, une fois parti ?
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